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Sara Mamone

Le nuvole, macchine sceniche del Rinascimento fiorentino

Data di pubblicazione su web 31/10/2005
Bernardo Buontalenti, Bozzetti per i costumi degli intermezzi de "La Pellegrina" (1589)

Les nuées de l'Olympe à la scène: les dieux au service de l'église et du prince dans le spectacle florentin de la Renaissance.

La civilisation florentine traverse souterrainement tous les axes principaux de la réflexion de Seznec qui, tout en prolongeant la leçon de Warburg, redonne un nouvel ancrage au mythe de la renaissance du paganisme antique, surtout pour ce qui concerne la Toscane. Ainsi, on lit dans les dernières pages, dédiées à l'influence des manuels et en particulier à la diffusion de celui de Cartari [1]:

"Ces livres, que chacun consulte et qu'on a constamment sous la main, ne sont jamais, ou presque jamais, mentionnés; en raison même de leur popularité, ils sont très vite devenus des répertoires anonymes; or, on ne cite pas un dictionnaire; et du reste un écrivain ou un artiste qui fait étalage de son savoir ne se soucie pas de révéler qu'il a acquis sa science à si bon marché: ceux qui doivent le plus à Gyraldi, à Cartari, à Conti, se gardent bien, le plus souvent, de reconnaître leur dette envers eux. Il est possible, cependant, de retrouver des traces de leurs emprunts; nous les chercherons tour à tour dans l’art italien, et dans l'humanisme européen [2]".

Parmi les plagiaires démasqués par Seznec, nous trouvons deux noms qui sont des références dans la nouvelle cour médicéenne: rien de moins que monseigneur Vincenzo Borghini, inventeur de la 'mascarade' (Mascherata) appelée Genealogia degli dei (La généalogie des dieux), créée pour le prestigieux mariage du régent Francesco de' Medici, fils de Cosimo I et de Jeanne d'Autriche (1565); et de Giovanni de' Bardi de’ Conti di Vernio, inventeur des intermezzi théâtraux composés en 1586 pour le mariage de Virginia de' Medici et Cesare d'Este, et surtout des intermèdes les plus célèbres de l'histoire du spectacle, ceux de La Pellegrina (Intermezzi della Pellegrina) représentés en 1589 pour le mariage du grand-duc en titre Ferdinando avec Christine de Lorraine [3]. Un coup dur pour le principal iconologue du premier grand-duc et pour le plus cultivé des représentants de l'expérimentation florentine, titulaire de cette même camerata à laquelle l'historiographie musicale (qui penche peut-être un peu trop, elle aussi, en faveur du mythe florentin) attribue les expériences qui sont à l’origine de la naissance du mélodrame!

S'ils cachent leurs sources [4] pour apparaître comme de vrais archéologues et non de simples divulgateurs, et si donc ils s’intéressent davantage aux bizarreries qu'au résultat esthétique et à la clarté du discours, en anticipant l’évolution future du maniérisme extrême, il faut quand même rappeler que les iconologues s'empressent de publier le mode d'emploi et que, sauf quelques auto-défenses très précises (par exemple Raffaello Gualtierotti [5] se plaint du risque de déplaire aux gens cultivés pour plaire aux ignorants), ils ne s’écartent pas du chemin de la clarté et de la communication. Lasca affirme que la première condition pour un tournois d'apparat, qui vise à plaire au peuple, doit être la clarté, de façon qu'il puisse être compris par tout le monde. Le peintre Bronzino, en faisant mine de relater une expérience, expose en fait une véritable poétique: "se ben pare cosa troppo nota...vo dir ch'io ho visto il popolo talora più dilettarsi di certe cose ch'egli ha cognitione che dove prima ch'egli abbi inteso ch'e' guarda, abbi stracco gli occhi nel mirare" [6]. "Chiari, non triviali, gravi, non oscuri" ("clairs et non pas vulgaires, sérieux et non pas obscurs"), voici la règle d ’or proclamée par Gualtierotti en 1600 et citée par Seznec [7]. Ce pourrait donc être un choix de clarification et non un expédient simplificateur, que cet usage des images auxquelles se réfère Seznec lorsqu'il écrit :

"De ces différents spectacles, nous avons gardé des relations trés détaillées, et de très nombreux dessins. Il est donc facile de constater que les dieux, qui en sont les principaux acteurs, ne sont point ceux du classicisme, mais ceux-là mêmes que les manuels nous ont rendus familières" [8].

Je pense que cette idée de 'familiarité' peut être aisément appliquée à la culture florentine en général, et à celle du spectacle en particulier. Il faut quand même procéder à des mises au point. L'historiographie a jusqu'ici éclairci les mérites indéniables de l'expérimentation florentine vis à vis du spectacle et en a magnifié les tout aussi indéniables résultats. Ces résultats ont franchi les Alpes et ils ont été adoptés par l'Europe entière comme modèle de théâtre de cour; on a donc présenté la culture florentine comme une civilisation totalement projetée vers le futur, toujours engagée à dépasser ses limites et à proposer des modèles nouveaux et inexpérimentés [9]. Comme toujours, les interprétations trop linéaires sont partielles et ont besoin d'un regard plus attentif et peut être d’une certaine remise en question. Parmi ces acquis à remettre en question, j'aimerais souligner une pratique qui appartient à l'essence de la civilisation florentine mais qu’on vient seulement de mettre en valeur, pour ce qui concerne le spectacle, dans les réflexions les plus récentes: c'est la pratique du réemploi [10], de la citation, du renvoi aux "précédent", la pratique de l'analogie, bref tout ce que nous pourrions aisément inclure dans l'idée seznechienne de 'familiarité'.

La civilisation de Florence a été une civilisation d'entrepreneurs, mais elle n'est pas hasardeuse, il s'agit, bien au contraire, d’une civilisation très consciente d'elle même et de sa valeur (les romains auraient dit compos sui) qui, beaucoup plus que la damnatio memoriae, a pratiqué la récupération du passé au bénéfice du présent. Ce qui s’est produit même dans la phase la plus conflictuelle, lorsque le coup d'état de Cosimo et la transformation institutionnelle de la République en Principauté à partir du 1537 incita le nouveau prince à se doter rapidement d’instruments culturels qui l'aidèrent à se justifier: d'une façon très efficace, en regardant en arrière, il a inventé le mito laurenziano: l'ancêtre Lorenzo il Magnifico représentant l'âge d'or, le descendant-à son tour-representait celui qui pouvait le rétablir dans le futur [11].

Une autre petite rectification est peut-être nécessaire pour l'histoire du spectacle à Florence, bien que Ludovico Zorzi en ait déjà posé les bases quand il a rapproché de la renaissance de l'humanisme et du modèle néoplatonicien 'ficinien', la constance d'une pratique 'romane' exercée chaque jour, la persistance d'un patrimoine de compétences technologiques et artisanales, capables d'assumer chaque fois les différentes formes exigées par des commanditaires diversifiés qui, au temps des grands-ducs, s'identifient de plus en plus avec la famille Médicis et son entourage [12]. C'est dans cette ambiance que travaillent les artistes florentins. Au Quattrocento ils sont liés à des commanditaires plus diversifiés, comme bien sûr les grandes familles, mais surtout des associations telles que les confréries, les hôpitaux, les couvents et les églises. Il s'agit toujours de commanditaires bien conscients de leurs buts et, pour cela, très attentifs à l’impact des œuvres commanditées. Je me permettrai à ce propos de corriger quelque peu, du moins pour la civilisation florentine, l'idée de "liberté de l’artiste" telle que l'a défendue Seznec. Il s'agit, bien entendu, de notre idée de liberté de l’artiste, cette idée qui pour nous est une valeur et dont Seznec déplore la restriction à l'époque post Tridentine et maniériste [13]. Je pense qu'il faut être attentif à un système de valeurs différent du nôtre, où la notion même de valeur ne coïncide pas avec la liberté tout court, mais plutôt avec l'adaptation (adaequatio) au 'discours'. L'idée de liberté n'est pas aux XVe, XVIe et XVIIe siècle une idée absolue, mais relative, elle s'exerce sur la façon d'exécuter et non sur l'objectif; elle n'est jamais, par définition, libre expression du génie de l’artiste, elle est plutôt libre exercice (variatio) sur un programme donné. L'artiste, ou l'artisan, choisit chaque fois les instruments nécessaires à l'idéologie et, vis à vis du spectacle, il met en place des instruments capables d'exprimer des idées et des valeurs claires, lisibles par son public, d'une certaine façon didactiques.

Il en est ainsi soit dans la phase du Quattrocento, lorsque le spectacle, en général conçu pour un public vaste, populaire et indifférencié, était lié à la mise en scène d'un discours liturgique et religieux [14], soit dans la phase des Cinque et Seicento [15]. Dans ces deux siècles, l'enrichissement du discours et une différente manière de comprendre trouvèrent des voies de représentation différentes qui correspondent à cette pratique de 'privatisation' [16] que Ludovico Zorzi a défini comme fondatrice pour la principauté médicéenne, c'est-à-dire le passage de la jouissance collective et publique (églises, places, etc.) du spectacle à la jouissance privée (et bien autrement cultivée) des palais des seigneurs et 'du' seigneur. Je voudrais éclaircir cela à l’aide d'un exemple, dans lequel les rapports entre théâtre et art figuratif sont évidents et dans lequel me semble aussi évidente la capacité florentine de soutenir symboles et allégories par le biais de la pratique artisanale: c'est-à-dire, l'utilisation du nuage (nuvola, nugola) dans la peinture et sur la scène entre le XVe, XVIe et XVIIe siècle [17].

Je pense que l'idée de "migration des symboles" [18], ou mieux encore l'affirmation qui est à la base de la réflexion de Seznec sur la 'réintégration' des dieux classiques dans un contexte qui jusqu'au Cinquecento favorisait des émergences différentes, est parfaitement repérable dans la destinée de cette "machine" de spectacle. Le nuage, qui va devenir bientôt pour tout le monde le symbole de la machinerie, ou peut-être même du spectacle florentin tout court, fait son apparition précoce sur la scène, bien avant la définition moderne de la scène de théâtre [19]. Il habite un double espace, pictural et spectaculaire, avec la même fonction: celle de liaison entre la terre et le ciel, ou, mais c'est la même chose, de support visible pour la divinité. La peinture du XVIe siècle et le théâtre évoquent fréquemment le lien entre la divinité et ses représentants en l'inscrivant sur ce support qui lie les deux espaces: celui des hommes en bas, et en haut celui, souvent inconnaissable, du ciel. Bien évidemment, la peinture le fait en composant des images et des systèmes de relations fixes, le théâtre en composant des systèmes de relations entre les images en mouvement. Il ne s'agit pas ici de revenir à un problème de primauté pratiquement sans solution, mais seulement d'établir des rapports de thèmes et de sujets [20].

Pendant presque tout le Quattrocento ce sont les symboles de la religion catholique qui peuplent ces nuages: l'Empyrée, au premier rang, mais aussi le Jugement universe, le Couronnement de la Vierge (fig. 1), les Allégories (par exemple celle de l'Eglise ou celle de l'Ordre dominicain, les Ascensions du Christ et des Saints, la Nativité, etc. Ces nuages, exhibés d'une façon si ‹‹retentissante›› dans la peinture, sont aussi les protagonistes, peut-être moins connus mais sûrement pas moins fréquentés, du spectacle d'apparat, des représentations de plus en plus nombreuses qui accompagnent l'épiphanie des événements de la liturgie: les sacre rappresentazioni. On connaît en particulier deux centres de production et de réalisation de ces spectacles: les grandes églises des quartiers historiques du centre de la ville, telles san Felice in Piazza, la Santissima Annunziata, Santo Spirito, l'église del Carmine, qui abritent les spectacles organisés par la hiérarchie de l'Eglise elle-même et destinés au public obscur des cérémonies liturgiques et, avec elles, moins retentissantes mais pas moins soignées, les représentations des confréries [21]. Les confréries laïques, qui avec le temps changeront de statut en se rapprochant de plus en plus des académies [22], jouent un rôle fondamental dans le tissu de la vie civile florentine. En principe dévouées au culte du saint protecteur, elles célèbrent une fois par an ses fastes en lui consacrant une représentation publique.

Le complexe système de machines élaboré au cours des représentations publiques (comme par exemple les ingegni di Filippo Brunelleschi [23]) trouve dans ces célébrations une application moins riche, mais pas moins soignée. Les nuages sont les vrais protagonistes de chacune de ces représentations: souvent les frontispices des livres qui publient les textes des représentations dramatiques sont illustrés par une image qui montre les Anges, la sphère de l'Empyrée ou le Père éternel, la Vierge ou le Saint qui est célébré, soutenus par un nuage (fig. 2, 3). On utilise une machinerie sophistiquée qui est fondée et réglée par un système complexe et recherché de cordes, de câbles, de cabestans, de grues, qui gèrent l'espace vertical et transversal d'un lieu qui n’est pas encore, je le rappelle, celui du théâtre à l'italienne. C’est bien évidemment le même système qui soutient les autres machines comme 'la mandorla' [24] et 'le soleil' [25], autres ingegni de référence. Témoins du fait qu'il ne s’agit pas simplement de choix iconographiques mais, au contraire, de la transcription iconographique d'une pratique fréquente et populaire, de nombreux témoignages d'archive parcourent les documents du XVe siècle et de la première partie du XVIe, quand un changement rapide de goût et surtout d'idéologie entraîne une modification des sujets. Des sujets, mais pas des supports de machinerie.

Pendant cette période les nuages soutiendront Saints, Pères éternels, Empyrées de plus en plus peuplés et chœurs d’anges, en augmentant de plus en plus leur étendue et leur portée. Dans la pratique spectaculaire leur première apparition précède de vingt ans les grandes expériences de Filippo Brunelleschi. Elle est enregistrée dans les registres de paiement des artisans de l'église de Santo Spirito, avec une ‹‹nonchalance›› qui nous fait penser qu'il s'agit d'une pratique déjà bien expérimentée et donc remontant sans doute au siècle précédent, c'est-à-dire à l'époque de Dante. Pour la fête de la Pentecôte dans l'Eglise de Santo Spirito, Nerida Newbigin, qui a transcrit les fonds des grandes paroisses du quartier d'Oltrarno [26], relève en 1416 un paiement pour "pentole e pennello per ingessar la nuvola" [27], "per panni vecchi per impanar la nuvola" [28], "per 85 foglie di stagno per orpellar la nuvola" [29]. En plus, on peut ajouter une série de paiement pour cordes, poulies, colles, cierges, bougies, roues, anneaux, maillons, cordes pour soutenir les rayons du soleil et le rideau [30] et, encore, les surprenants"VI fiaschi schiaciati pe’ pianeti" [31].

En l'absence d'une reconstruction d'accessoiriste, je renvoie bien plus sérieusement à la réflexion que Seznec a consacrée au thème de la réintégration des dieux célestes, et donc du Zodiaque [32], en faisant remarquer qu'il s'agit d'un thème constant dans la culture florentine. Newbigin enregistre encore, pour la fête de l'Ascension de 1425 dans l'Eglise De Santa Maria del Carmine, un paiement à "Masolino dipintore...per dipignere la Nuchola et metere d'azuro e d'oro fine per tuto" [33] et au même encore, "per dipingere gli agnoli che girano la nuchola" [34]. Il s'agit, comme on peut le voir aussi dans cette enluminure où les anges font tourner le premier ciel, d'une parfaite correspondance entre idée et représentation spectaculaire. Pour démontrer l'étendue de cette pratique, on peut prélever au hasard dans un océan de citations:

"a Lionardo d’Aricho merciaio per fare fare a vite el ferro che era fato drieto alla Nucola; a lui per far fare el fero de' Lumi di sopra della nuchola; a lui per fare e' luminegli di soto e dal lato de la Nuchola; ad Antonio di Bartolo in più volte lire tre per fogli per fare gli Agniolelli della Nuchola, a lui lire tre sono per colla e per un manchio per dei e per agnoli de la Nuchola [35]".

En 1427 Nicolò di Biagio "orpellaio" reçoit, toujours pour la même fête, "nove soldi piccioli per un mezo peso di stagnio giallo per raconciare le corone degli apostoli e per raconciare la nughola" et "tre per aconciare la nugoletta di choro" [36]. Evidemment le nuage, ou plutôt déjà le système de plusieurs nuages, était si complexe et coûteux qu'il méritait des soins d'entretien [37]; en 1437 "A Bastiano lire nove soldi 4 danari sei di piccioli sono per XVIII polli auti in tre volte per fare le vele del Cielo della Nughola" [38]; "A uno calzaiuolo del Corso per 4 paia di calze di Perpignano, 3 paia rosse e una azurra, serveronsi agl'Agnoli della nughola e de l'altro Cielo in tutto lire otto soldi sedici" [39], à Francesco di Rosso marchand de soie "per prestatura di trenta penne bianche e colorate per fare l'alie degl'Agnoli, guastoronsene due" [40]; en 1439 (c'est l'année où fut donnée à Florence la représentation avec les ingegni de Filippo Brunelleschi décrits par Abramo di Souzdal, de la suite du metropolite Isidore de Kiev, à l’occasion du concile pour l’union entre les églises d'Orient et d'Occident [41]) "a Piero della Bella fabro lire due soldi dieci per due mozi d’acciaio quadri, due cavigliuoli d’acciaio per le caruchole della nugola e per altri ferri" [42]; "a uno scamatino per fare scamatare lana pe' nugoli degli Agnoli" [43]; "a Papi torniaio per 2 carucole per la nughola soldi undici" [44]; "a Giovanni Ferini...per frangia per gli Agnoli della nugola e per chuccitura de camisci loro" [45]; en 1440, parmi des dizaines d'autres, on règle ses compétences à "Piero di Salvestro borsaio per 6 pelle per racconciare le vele del cielo della Nuchola" [46] et "a Francesco di Rosso setaiuolo per prestatura de 46 penne di struzzolo di più cholori per l'alie degl'Agnoli delle corde lire una e soldi tredici" [47]. En 1443 on enregistre un paiement à Nicolò Collodoca "per 18 pezzi di specchio crandi che mancchavano alla nughola" [48]. En 1446 un certain Romeo est payé "per braccia 6 e 1/2 di pannolino vecchio per fare e' nugoli e altro da piè agl'Agnoli della ruota della nugola" [49] tandis que Giovanni Aringhi et ses camarades sont payés pour le fil de fer employé pour l'Etoile et surtout pour les mailles de la chaîne qui doit soutenir les anges sur le nuage [50]. Pour la fête de 1452 nous avons un cahier ("quadernuccio", "segnato nugola" [51]) spécifiquement consacré au nuage. Les paiements se succèdent, ininterrompus, et même pour les répétitions; en 1453 le peintre Pietro del Massaio et le bijoutier Filippo di Baldo sont très bien payés pour un nuage tout neuf: "per ispese fatte nella nuova Nuchola fatta per la festa della Ascensione nell'ano 1453 come apare in più partite in un quadernuccio tenuto per Lionardo di Ghualtieri isceglitore titolato Ricordanze segnato Nughola" [52].

Dans un cortège interminable de dépenses pour cotons, lumières et bougies, chandelles et cierges, luminaires, candélabres, herses, torchères, poulies, cordes, peaux, cuirs, une lourde dépense nous renseigne à propos des consistants travaux de maçonnerie qui peuvent sûrement être mis en relation avec la coupole [53], avec un emploi de mille sept cents briques et briquettes pour "il Paradiso della Nughola" (de toute évidence un système de nuages). De temps à autre le nuage rencontre le Soleil (autre machine de référence, comme je l'ai signalé [54]): nous trouvons des paiements pour pignons pour le soleil du nuage [55], un cordonnier est payé "per dua bande di ferro istagniato per coprire e’ lume del Sole della Nughola" [56]. En 1467 les dépenses nous donnent la mesure de la foule de personnages que pouvait porter le nuage: nous pouvons enregistrer dans un seul épisode un nuage habité par Marie Madeleine, les douze Apôtres, La Vierge, le Christ, les anges, pour lesquels on paye les perruques et une série infinie d’accessoires, costumes, etc., et même une sonnette pour introduire une signalisation sonore entre les différents niveaux de la représentation [57].

Il n'est pas nécessaire de détailler tous les inventaires des outils et engins bons pour le ciel et ses nuages tels qu’ils sont précisés dans certains témoignages [58]. Ce qui nous intéresse ici, c’est le constat d'un plan scénographique bien conçu et très bien maîtrisé: la pluralité des nuages, l'alternance de personnages vivants et de personnages peints (on nous signale des anges séraphins peints derrière la "stella nuova" [59]), la mobilité des machines, font partie d'un dessein complexe et riche. Il y a une partition 'trinitaire': la Nughola, il Cielo e Il Paradiso (la Nuée, le Ciel et le Paradis). Le ciel, tout près de sa laïcisation, est parcouru par les douze planètes, c'est-à-dire les signes du Zodiaque [60].

Dans les décennies suivantes, la spécialisation devient de plus en plus complexe et sophistiquée en donnant une immense renommée à un architecte florentin, le grand maestro Cecca, "che le ingegnose et industriose fatiche sue lo hanno fatto famoso e chiaro fra gl'altri egregi e lodati artefici" [61]. Les ingegni devinrent une occasion d'exhibition, de parade pour toute la communauté. Ils n'avaient plus seulement, ou peut-être presque plus, la valeur religieuse qu'ils avaient eu par exemple en 1439, ils acquièrent une fonction d'auto-célébration. En 1471, Galeazzo Maria et Bona Sforza, ducs de Milan, sont en visite officielle à Florence. Ils sont invités dans le palais de Piero di Cosimo Medici (aujourd'hui palazzo Medici Riccardi). La fête, outre divers spectacles et célébrations plus intimes donnés dans ce même palais, affiche aussi l'exhibition simultanée, bien qu'on soit en temps de Carême et qu'il soit donc interdit de les produire, des trois principaux ingegni de la Ville: l'Annonciation à San Felice in Piazza, l'Ascension à l'église du Carmine et la Pentecôte dans l'église de Santo Spirito. Désormais, comme on peut le constater, la valeur spirituelle de ces entreprises est largement mise au service de l'ostentation, et elles acquièrent presque la valeur de cadeau princier. Même si on n’en est pas encore tout à fait là, la valeur d'auto-célébration guette déjà l'ancien message chrétien.

La vraie auto-célébration arrivera plus tard, quand les nouvelles conditions politiques permettront l'installation formelle de la Seigneurie. Largement réintégrés dans la communauté, les dieux antiques se prêtaient à un usage évhémériste, phénomène qui est toujours à la base de n’importe quelle prise du pouvoir, en vue de l’ennoblissement dynastique. À Florence, dès que la famille Médicis fut installée et que sa politique se prêta à l'exhibition identificatoire, il lui suffit de commander aux artisans et aux architectes d’apparat de remplacer les habitants de l'empyrée chrétien par les dieux du nouveau panthéon auto-élogieux et auto-identificatoire.

Le passage idéologique ne fut ni automatique ni immédiat, mais il faut souligner le fait que ce sont les compétences techniques qui permirent à l'idéologie de s'exprimer immédiatement et avec une évidente clarté représentative. Décisive, dans ce processus, fut la progressive privatisation du théâtre, c'est-à-dire le phénomène général d'appropriation des lieux et des structures représentatives et symboliques de la société, inauguré par Cosimo Ier dans les années 1540 et 1560. Ce phénomène, comme on l'a déjà remarqué, a été mis en lumière par les études de Ludovico Zorzi [62]. Dans cette privatisation, le théâtre deviendra bientôt une synecdoque de la société mais sans risquer de blesser de façon explicite les sentiments religieux du peuple. L'identification auto-élogieuse se déroulait dans un palais privé (on se réfère ici au système des maisons Medicéennes: le Palazzo Medici di via Larga, le Palazzo Vecchio élu par Cosimo comme maison de famille, le Théâtre des Uffizi). Dans ces espaces sélectionnés, le Prince offrait à ses invités le miroir de sa grandeur. Les intermezzi héritèrent des structures de la machinerie en devenant le lieu de référence de ce jeu de miroirs. Dans le théâtre, lieu de l'illusion mais aussi d'un 'discours' allusif entre érudits, le prince pouvait aisément conduire la société courtisane, bien cultivée, à percevoir comme une evidence l'identification entre pouvoir et individu qui est à la base de n’importe quel pouvoir absolu.

Une identification entre le Prince et le vrai Dieu (même sous les traits de Jesus Christ), n'étant pas proposable, car c'eût été un blasphème, l'identification avec le Panthéon Olympique était certainement la plus efficace. Et en effet, elle fut largement exploitée. À chaque occasion dynastique une armée d’iconologues de plus en plus sophistiqués, de scénographes machinistes de plus en plus experts en technologie, s'engagera à donner forme de vérité représentative à une identification désormais acquise et claire, destinée à rester à peu près invariable dans le temps. La scène et l'arrière-scène de l'édifice qui dans les années 1580 donna à Florence le premier théâtre de l'âge moderne, c'est-à-dire le théâtre des Uffizi, devint le lieu de cette fascination identificatoire.

GiorgioVasari, Bernardo Buontalenti, Giulio Parigi, sont les noms associés à cette aventure. Le véritable artifex néanmoins est le Prince qui, par l'intermédiaire de ses artistes, domine et contrôle la nature, en offrant à ses invités l'image de sa propre grandeur renvoyée par le miroir de son apothéose scénographique. Il est impossible, et même inutile, de détailler ici le chemin identificatoire parcouru à partir des années 1540 jusqu’à la fin de la domination des Médicis dans le spectacle princier. L'entreprise est presque impossible, parce qu'il n'y a presque pas de spectacle princier sans machine de nuages, et qu'il n'y a presque pas de spectacle avec nuages qui n’exploite pas d'occasion élogieuse: on peut suivre aisément la parade des dieux et des nuages pendant tout la periode médicéenne. Chaque fois, les iconologues choisissent un sujet correspondant à l’occasion et chaque fois les dieux sur leur nuage soutiennent le discours en ramenant la paix, en défendant la Justice, en soutenant le droit, en faisant preuve de vertu et de pitié: pleinement absorbés dans le discours du pouvoir christianisé, ils sont installés sur leurs nuages pour garantir l'identification avec le prince qui se trouve dans la salle. On pourrait parcourir la variété des sujets en décrivant pas à pas la signification du thème mythologique choisi, mais ce ne serait, quelle que soit son utilité, que dresser une liste d'arguments.

Il suffira ici de présenter, en images, un échantillonnage des exemples les plus significatifs du spectacle dans son âge mûr, c'est-à-dire surtout après la grande révolution déclenchée par Antonio da Sangallo (avec l’introduction d'une structure mobile qui brise la rigidité de la scène fixe) et amenée à sa plénitude par Bernardo Buontalenti, qui enrichit et articule la scaena versatilis à la manière des anciens: les intermèdes de La Pellegrina, fête théâtrale pour le mariage en 1589 du grand-duc Ferdinando Ier avec Christine de Lorraine (fig. 4, 5); Il Rapimento di Cefalo, fête théâtrale pour le mariage en 1600 de Maria de' Medici avec Henri IV de France; les intermèdes du Giudizio di Paride, fête théâtrale pour le mariage en 1608 de Cosimo II avec Marie Madeleine d'Autriche (fig. 6); un intermède de la Veglia della liberazione di Tirreno e Arnea, fête théâtrale pour le mariage en 1617 de Caterina de' Medici avec Ferdinando Gonzaga; La Regina di Sant'Orsola, fête théâtrale pour la visite à Florence en 1624 de l'archiduc Charles d'Autriche (fig. 7); La Flora, fête théâtrale pour le mariage en 1628 de Margherita de' Medici avec Odoardo Farnese duc de Parma; Le Nozze degli dèi, fête théâtrale pour le mariage en 1637 de Ferdinando II avec Vittoria della Rovere, princesse d'Urbino.

Ce système complexe de machines, qui permet des changements à vue, introduit un élément dynamique dans la scène fixe, permettant de reprendre le système de verticalité des sacre rappresentazioni dans un système articulé à l'intérieur de la scène du théâtre à l'italienne. La rigidité de la scène théorisée par Sebastiano Serlio dans ses Livres d'Architecture [63] cède la place à la richesse des variations, à l'alternance (quelquefois même à la simultanéité) des mouvements ascensionnels, descendants, en diagonale, en formations superposées, parallèles ou asymétriques. On assiste donc à la victoire de la machine, avec toute sa complexité, sur le discours ou, pour mieux dire, ce sera le discours qui adaptera ses prétentions à la richesse d'articulation des machines [64]. La machina delle nuvole, protagoniste du célèbre manuel de Niccolò Sabbatini [65] puis de celui de Joseph Furttenbach [66], moins célèbre mais très important pour la diffusion de la pratique scénographique à l'italienne, avait d'ailleurs déjà trouvé place dans les réflexions d'un des plus célèbres peintres apparatori de la cour des Médicis, Ludovico Cigoli, l'auteur, entre autres, des grands apparats de 1589 pour le mariage du grand-duc Ferdinand avec Christine de Lorraine [67], directeur artistique des apparats funèbres pour les obsèques de Philippe II d'Espagne, et du spectacle fétiche de la naissance du mélodrame, l'Euridice, joué et chanté en 1600 pour le mariage de Marie de' Médicis [68]:

"Ralluminata la scena e rasserenatosi il cielo, si copra tutto di bianche nuvole le quali apertesi mostrino favolosamente gli Dei, i quali mossisi per li varij carri scorrino per l'Aria in diversi motij, vette et obliqui, et ad occhi veggenti variamente trasformati in un tratto sparischino" [69].






[1] V. Cartari, Le immagini colla sposizione degli Dei antichi, Venezia, 1556.
[2] J. Seznec, La Survivance des dieux antiques: essai sur le rôle de la tradition mythologique dans l'humanisme et dans l'art de la Renaissance, London, 1940, p. 247.
[3] Dans la remarquable bibliographie à propos de ce sujet on se borne ici à citer seulement comme livre de référence L. Zorzi, Il teatro e la città. Saggi sulla scena italiana, Turin, 1977, pp. 63-234, avec sa riche biblographie et le trésor de ses notes et, surtout pour une mise à jour biblographique, S. Mamone, Dèi, Semidei, Uomini. Lo spettacolo a Firenze tra neoplatonismo e società borghese (XV-XVII secolo), Rome, 2003, pp. 341-411.
[4] Parmi les sources incontournables et souvent cachées il faut ajouter aussi C. Vecellio, De gli habiti antichi, et moderni di diverse parti del mondo libri due, fatti, fatti da Cesare Vecellio, e con discorsi da lui dichiarati, Venezia, 1590; Idem, Habiti antichi, et moderni di tutto il mondo. Di Cesare Vecellio. Di nuovo accresciuti di molte figure, Venezia, 1598.
[5] J. Seznec, La Survivance des dieux antiques (n. 2 supra), p. 250: "Les organisateurs, vexés de voir méconnues la profondeur de leur savoir et la subtilité de leurs intentions, cherchent à se justifier en détaillant les secrètes beautés d'un spectacle que la foule n'a pas su appreciér. On me dit, gémit un autre 'metteur en scène' de parades mythologiques, Raffaello Gualterotti (R. Gualterotti, La Montagna Circea, torneamento nel passagio della Serenissima Duchessa Donna Margherita Aldobrandini, sposa del Serenissimo Ranuccio Farnese duca di Parma, Bologna, 1600), que mes figures et me devises ont déplu par leur obscurité ("spiacevole per oscurità"); mais je les avais conçues pour des gens cultivés: il n'eût pas valu la peine de dépenser tant de soin et d’esprit pour plaire au seul public populaire. Dans ce cas, il arrive souvent que celui qui se propose de satisfaire les ignorants, apparaît ignorant lui-même à ceux dont il convient avant tout de rechercher l'approbation".
[6] J. Seznec, La Survivance des dieux antiques (n. 2 supra), p. 250: "Il semblera peut-être trop connu; mais les gens, je l'ai constaté, prennent parfois plus de plaisir aux choses qu'ils connaissent, qu'à celles qu'ils ont peine à comprendre".
[7] Ibid., p. 251, n. 1.
[8] Ibid., pp. 247-48.
[9] Pour ce qui concerne la civilisation florentine du spectacle à son apogée et pour la diffusion des ses modèles dans l'Europe des cours, voir S. Mamone, Paris et Florence deux capitales du spectacle pour une reine: Marie de' Médicis, Paris, 1990, et Le ‹‹Siècle›› de Marie de' Médicis. Actes du Seminaire de la Chaire Rhétorique et Société en Europe (XVIe et XVIIe siècles) du College de France sous la direction de Marc Fumaroli, études réunis par Françoise Graziani et Francesco Solinas, Alessandria, 2003.
[10] S. Mamone, Dèi, Semidei, Uomini (n. 3 supra), en particulier l'essai Il risparmio e lo spreco sotto la sguardo di Callot, pp. 149-68.
[11] Pour ce qui concerne le sens et l'usage du mito laurenziano on cite ici les travaux toujours fondamentaux de A. Chastel, Art et humanisme à Florence au temps de Laurent le Magnifique. Études sur la Renaissance et l’humanisme platonicien, Paris, 1959, en particulier l'essai La Légende de l'‹‹âge d'or››, pp. 25-7; E. H.Gombrich, Norm and Form, London, 1966, en particulier l'essai Renaissance and Golden Age pp. 29-34. Á consulter aussi Le Temps revient. 'L Tempo si rinuova. Feste e Spettacoli nella Firenze di Lorenzo il Magnifico (1449-1492), études réunies par P. Ventrone, Milan, 1992 et sa bibliographie.
[12] Zorzi, Il teatro e la città (n. 3 supra), pp. 78-88.
[13] J. Seznec, La Survivance des dieux antiques (n. 2 supra), p. 250: "Aux fêtes de 1565 collaborèrent, par exemple, Ammannati, Bronzino, Jean Bologne, Vasari, Zucchi, et Federigo Zuccari; et tel de leurs ouvrages exécutés pour la circonstance eût mérité de durer plus d'un jour. Toutefois les artistes, notons-le bien, ne sont ici que de tres dociles instruments. Rien n'est laissé à leur initiative ou à leur inspiration".
[14] Pour ce qui concerne Florence voir la bibliographie à la n. 21.
[15] Dans une bibliographie désormais démesurée je cite ici, encore une fois, C. Molinari, Le nozze degli dèi. Un saggio sul grande spettacolo italiano nel Seicento, Rome, 1968; Zorzi, Il teatro e la città (n. 3 supra).
[16] Zorzi, Il teatro e la città (n. 3 supra), en particulier pp. 85, 88-91.
[17] H. Damish, Théorie du nuage pour une histoire de la Peinture, Paris, 1972 a bien montré l'importance du sujet dans l'imaginaire biblique et l'art chrétien dès le debut. Le nuage represente un lieu de contact entre la terre et le ciel, entre la divinité et les hommes. Il faut aussi souligner que la plus ancienne des machines de théâtre, qui est aussi la machine principale du théâtre antique, est un engin qui lie le ciel à la terre en permettant aux dieux de descendre sur terre: la ‹‹mecané›› du deus ex machina.
[18] R. Wittkower, Allegory and the migration of symbols, London, 1977.
[19] La scène de théâtre proprement dite fait son apparition dans le théâtre moderne au début du XVIe siècle, après la longue période d’études et de recherches visant à réhabiliter et à reconnaitre, la représentation avait lieu sur une estrade et ce fut seulement après la découverte (entre autre) de la perspective, avec Leon Battista Alberti et l'architecte Filippo Brunelleschi, qu'on peut considérer correctement abordé le probleme qui amènera dans la deuxième moitiè du XVIe siècle à la séparation entre les lieux de la répresentation et de la vision et (également par le biais des scènes peintes en perspective) à la scène de théâtre au sens moderne du terme. Pour la scène au Moyen-age, l'étude de réference est toujours celle de E. Konigson, L'espace théâtral médiéval, Paris, 1975.
[20] On se réfère neanmoins aux études de G. Kernodle, From Art to Theatre. Form and Convention in the Renaissance, Chicago, 1944; P. Francastel, Peinture et société. Naissance et destruction d’un espace plastique de la Renaissance au Cubisme, Lyon, 1951; Zorzi, Il teatro e la città (n. 3 supra), pp. 336-37; Idem, Figurazione pittorica e figurazione teatrale, in Storia dell'Arte Italiana. Materiali e problemi. I. Questioni e metodi, I, Turin, 1979, pp. 421-66; Iconographie et arts du spectacle, actes du séminaire CNRS, Paris, études réunies par J. de La Gorce, Paris, 1995; C. Molinari, Sull’iconografia come fonte per la storia del teatro, Biblioteca Teatrale, 37-38, 1996, pp. 19-40.
[21] Toujours valables à ce sujet les études de A. D'ancona, Sacre rappresentazioni dei secoli XIV, XV e XVI, raccolte e illustrate per cura di Alessandro D'Ancona, 3 vols., Florence, 1872; V. De Bartholomaeis, Laude drammatiche e rappresentazioni sacre, 3 vols., Florence, 1924; C. Molinari, Spettacoli Fiorentini del Quattrocento. Contributi allo studio delle Sacre Rappresentazioni, Venezia, 1961, pp. 67-115; Zorzi, Il teatro e la città (n. 3 supra), pp. 71-6; A. M. Evangelista - A. M. Testaverde Matteini, Sacre Rappresentazioni manoscritte e a stampa conservate nella Biblioteca nazionale centrale di Firenze, Milan, 1988; L. Sebregondi, La Chiesa e i Laici: le confraternite, in La chiesa e la città a Firenze nel XV secolo, textes réunies par G. Rolfi, L. Sebregondi, P. Viti, Cinisello Balsamo, 1992, pp. 87-101; Eadem, Lorenzo de' Medici, confratello illustre, Archivio Storico Italiano, 552, 1992, pp. 319-41; J. W. Hill, Nuove musiche "ad usum infantis": le adunanze della Compagnia dell'Arcangelo Raffaello, fra Cinque e Seicento, in La musica e il mondo: mecenatismo e committenza musicale in Italia tra Quattro e Settecento, études réunies par C. Annibaldi, Bologna, 1993, pp. 113-37; N. Newbigin, Feste d'Oltrarno. Plays in churches in Fifteenth-Century Florence, 2 vols, Florence, 1996; A.M. Evangelista, L’attività spettacolare della compagnia di San Giovanni Evangelista nel Cinquecento, Medioevo e Rinascimento, XVII/n.s. XV, 2004, pp. 299-366.
[22] Pour le fénomène de longue durée de ces academies et leur rapport avec le pouvoir, voir aussi S. Mazzoni, Lo spettacolo delle Accademie, in Storia del teatro moderno e contemporaneo, textes réunis par Roberto Alonge e Guido Davico Bonino, Turin, 2000, pp. 869-904; S. Mamone, Dèi, Semidei, Uomini (n. 3 supra), en particulier l'essai Vita d’accademia tra tela e scena, pp. 211-240 et L'Accademia del Disegno tra spirito di servizio e orgoglio di mestiere, pp. 307-39; Eadem, Serenissimi fratelli principi impresari. Notizie di spettacolo nei carteggi medicei. Carteggi di Giovan Carlo de' Medici e di Desiderio Montemagni suo segretario (1628-1664), Florence, 2003, pp. 9-68.
[23] L. Zorzi, La scenotecnica brunelleschiana: problemi filologici e interpretativi, in Filippo Brunelleschi. La sua opera e il suo tempo, I, Florence, 1980, pp. 161-171; P. Ventrone, L'eccezione e la regola: le rappresentazioni del 1439 nella tradizione fiorentina delle feste di quartiere, in Firenze e il Concilio del 1439, I, études réunies par P. Viti, Florence, 1994, pp. 409-35; Eadem, "Una visione miracolosa e indicibile": nuove considerazioni sulle feste di quartiere, in Teatro e spettacolo nella Firenze dei Medici. Modelli dei luoghi teatrali, études réunies par E. Garbero Zorzi e M. Sperenzi, Florence, 2001, pp. 39-52.
[24] Dans le complexe bien articulé de la machine de l'Annonciation, la mandorla abrite l'ange Gabriel.
[25] Le soleil, machine complémentaire à celle des nuages (souvent elles jouent ensemble dans les apparitions célestes et figurent ensemble dans les registres des masserizie, les dépôts des églises) sera la première à faire son apparition dans les cieux laicisés de l'humanisme renaissant. En 1539 à l'occasion du mariage de Cosimo I avec Eleonora di Toledo, dans la Comédie Il Commodo di Antonio Landi, désormais renouvelée, une boule de verre remplie d'eau et bien illuminée marquait l'écoulement du temps, version sophistiquée (due au génie de Bastiano da Sangallo, dit Aristote) et placée dans un ciel appartenant désormais aux hommes, des innombrables "fiaschi schiaciati per Pianeti" qu'on trouve dans les cieux de la Sacra rappresentazione du Quattrocento. La machine de Bastiano semble paradoxalement plus simple qu'un ingegno pour la fête de l'Ascension de 1467 : "1 pianeto tondo di fero lonbardo con dua ochi di vetro apichati a detto pianeto con una lucernuza di pionbo grande che alumina detto pianeto et quale istà apichato al fero de' detti Agnoli dalla parte di sotto...6 pianeti di charta pecora chonfitti in su cerchi de legniame dipinti, al servigio di detto Parradiso, 2 grandi, 4 minori, 2 tegami e quali s'adoperano a luminare detti pianeti" ("1 planète ronde en fer avec deux yeux de verre collés à la planète avec une petite bougie en plomb qui illumine la dite planète laquel est collée au fer qui mene en haut les anges... 6 planètes de parchemin enfoncés dans de cercles de bois peints, à la suite du dit Paradis, 2 grands et 4 plus petits, deux pôelon qu’on utilise pour illuminer les planètes"), voir N. Newbigin, Feste d'Oltrarno (n. 21 supra), II, p. 537.
[26] N. Newbigin, Feste d'Oltrarno (n. 21 supra), II, livre de réference au quel nous devons la plupart de documents cités ici. Dans la traduction en français de ces documents j'ai maintenu l'usage des termes lira (lire), soldo (sou) et denaro (argent) typiques du florentin courant.
[27] Ibid., p. 662: "casserolles et pinceaux pour plâtrer le nuage".
[28] Ibid.: "vieux chiffons pour recouvrir le nuage".
[29] Ibid.: "85 feuilles d'étain pour étamer le nuage".
[30] Ibid., passim.
[31] Ibid., p. 662: "6 fiasques pressés pour les planètes".
[32] J. Seznec, La Survivance des dieux antiques (n. 2 supra), en particulier le chapitre La réintégration des dieux, pp. 160-85.
[33] N. Newbigin, Feste d'Oltrarno (n. 21 supra), II, p. 291, "peindre le nuage et ajouter le bleu et l'or partout".
[34] Ibid.: "pour peindre les anges qui font tourner le nuage".
[35] Ibid.: "à Leonardo d'Arico mercier pour lui faire faire à vis le fer derrière le nuage; au même pour le soutien de bougies au dessus du nuage; au même pour faire les lumières au dessous et à côté du nuage; à Antonio di Bartolo donné en plusieurs fois trois feuilles pour faire les petits anges du nuage; trois lires données au même pour de la colle et pour un manche pour les dieux et pour les anges du nuage".
[36] Ibid., pp. 291, 301: "neuf petit sous pour un poids d'’étain jaune pour restaurer le nuage et trois petits sous pour restaurer le petit nuage du choeur".
[37] Dans la meme liste de dépenses, on donne "a Piero di Niccolò ispeziale soldi uno per una spugnia ch'operai per nettare la Nuchola" ("à Pietro di Niccolò, apothicaire, un soldo pour une éponge pour nettoyer le nuage"), Ibid., p. 299. On repère sans difficulté d'autres renseignements sur le nuage: "a Salimbene Bartolini saponaio soldi dua danari otto, sono per libre di sapone per insaponare gl'assi della Nughola’ (‘à Salimbene Bartolini apothicaire deux soldi et huit denari pour une livre de savon pour savonner les planches du nuage"), Ibid., p. 301; en 1429 "a Dieciaiuti di Lorenzo, pizzicagnoloche sta fuori della porta San Friano per 5 fiaschi d’olio e per libre 5 di funi si tolse per la nugola dirietro" ("à Dieciaiuti di Lorenzo détaillant qui habite hors la porte de San Frediano pour cinq fiasques d'huile et pour cinq cordes pour le nuage de derrière"), Ibid., p. 311.
[38] Ibid., p. 339. "À Bastiano neuf lire et quatre petits soldi pour XVIII poulets qu'il a amené trois fois pour faire les voiles du ciel du nuage".
[39] Ibid., p. 347: "À un cordonnier du Corso pour quatre paires de chaussettes de Perpignan, trois paires rouges et une paire azur qui ont servi pour les anges du nuage et de l’autre ciel, en total huit lire et seize soldi".
[40] Ibidem: "pour un emprunt de trente plumes blanches et coloriées pour faire les ailes aux anges; deux ont été abimées".
[41] L'épisode étant fondamental pour l'histoire du spectacle et donc largement étudié, on donne içi un simple rappel bibliographique, voir: Il luogo teatrale a Firenze. Brunelleschi, Vasari, Buontalenti, Parigi, études réunies par M. Fabbri, E. Garbero Zorzi, A. M. Petrioli Tofani, Milan, 1975, pp. 55-9; Zorzi, Il teatro e la città (n. 3 supra), pp. 70-3; Idem, La scenotecnica brunelleschiana (n. 23 supra), pp. 161-71; Ventrone, L'eccezione e la regola (n. 23 supra), pp. 409-35; N. Newbigin, Feste d'Oltrarno (n. 21 supra), I, pp. 7-13; E. Garbero Zorzi, L' 'ingegno' nella chiesa di Santa Maria del Carmine, in Teatro e spettacolo (n. 23 supra), pp. 124-27; Ventrone, Una visione miracolosa (n. 23 supra), pp. 39-51.
[42] N. Newbigin, Feste d'Oltrarno (n. 21 supra), II, p. 362: "À Piero della Bella forgeron deux lire et 10 soldi pour deux boulons carrés d'acier, et deux petites chevilles d'acier pour les poulies du nuage et autres parties metalliques".
[43] Ibid., p. 363: "À un drousseur pour drousser laine pour les nuages des Anges".
[44] Ibid., p. 365: "À Papi tourneur pour deux poulies pour le nuage onze soldi".
[45] Ibid.: "À Giovanni Ferini soldi 124 six danari pour franges pour les Anges du nuage et pour coudre les chemises". Puisqu'il s'agit d'un chiffre rémarquable peut signifier içi broder ou bien le couturier a été payé pour l'ensemble de la couture des habits.
[46] Ibid., p. 367: "À Piero corroyeur on paye 6 peaux pour restaurer les voiles de la voûte du ciel du Nuage".
[47] Ibid.: "À Francesco di Rosso marchand de soie pour l'emprunt de 46 plumes d'autruche coloriées pour les ailes des Anges des cordes, lire une et treize soldi".
[48] Ibid., p. 401: "pour 18 morceau de miroir grands qui manquaient au nuage".
[49] Ibid., p. 427: "pour six brasses et demi de vieille toile de lin pour faire les nuages et autres supports pour les Anges qui tournent la roue du nuage".
[50] Ibid., p. 426.
[51] Ibid., p. 476: "Petit cahier portant le titre de Nuage".
[52] Ibid., p. 480: "pour dépenses faites pour le nouveau nuage fait à l'occasion de la fête de l'Ascension l'an 1453 comme on peut le voir plusieurs fois dans un petit cahier de Ricordanze tenu par Lionardo di Gualtieri sélectionneur et appellé Nughola".
[53] Ibid., passim et p. 488. Sur la coupole comme élément architectural constitutif dans la pratique du grand architecte Brunelleschi, voir Zorzi, Il teatro e la città (n. 3 supra), pp 71; 73-74.
[54] Voir n. 25 supra.
[55] N. Newbigin, Feste d'Oltrarno (n. 21 supra), II, p. 519.
[56] Ibidem: "pour deux plaques en fer étanché pour couvrir la lumière du soleil du nuage".
[57] Ibid., pp. 533-34.
[58] Ibid., passim.
[59] Ibid., pp. 536.
[60] Le ciel est très mouvementé, sillonné par de grands et de petits nuages, des rayons tordus qui simulent les rayons du soleil, des lumières à l'avant et à l'arrière, des machines pour faire monter le Christ et ses anges sur les nuages, des planètes qui tournent, des chérubins peints, une étoile appellée Soleil qui surgit et suit l'Ascension du Christ, suivie par une planète, et une autre étoile qui la suit avec des rayons composés d'un nombre infini de lumières. À bien regarder la liste de "maserizie e corredi" que Newbigin, Feste d'Oltrarno (n. 21 supra), II, transcrit de la p. 533 à la p. 539, on est sidéré par la richesse de la technique de scène.
[61] G. Vasari, Le vite dei più eccellenti pittori, scultori e architetti, par les soins de de P. Barocchi et R. Bettarini, III, 1966, p. 450: "dont les ingénieux et laborieux travaux l'ont rendu plus célèbre que tous les autres excellents et loués auteurs".
[62] Voir n. 16 supra.
[63] S. Serlio, I sette libri dell'architettura, Venise, 1584, réimpression anastatique, 2 vols, Bologna, 1987.
[64] Sur la soumission du choix thématique à la préexistence des machines, voir S. Mamone, La machine ou l'indifférence du mythe in Les noces de Pelée et de Thétis, Venise 1639-Paris 1654, textes réunis par Marie Thérèse Bouquet-Boyer, Bern, 2001, pp. 217-35.
[65] N. Sabbatini, Pratica di fabricar scene, e machine ne' teatri di Nicola Sabbatini da Pesaro già architetto del serenissimo Duca Francesco Maria Feltrio della Rovere ultimo signore di Pesaro, 2 livres, Ravenna, 1638.
[66] J. Furttenbach, Mannhaffter Kunst-Speigel, Augsbourg, 1663.
[67] Dans le Memoriale de Girolamo Seriacopi, "provveditore" pour ces fêtes on peut aisement voir combien de fois ces nuages sont presents dans les intermezzi de La pellegrina, spectacle clou de cette fete princière, jouée dans le Théâtre des Uffizi. Voir à ce propos A. M. Testaverde Matteini, L'officina delle nuvole. Il teatro mediceo nel 1589 e gli ‹‹intermedii›› del Buontalenti nel ‹‹Memoriale›› di Girolamo Seriacopi, Musica e teatro, 11/12, 1991. Une sélections des renseignements sur les nuages à tirè de ce livre P. Turchetti, Le "nuvole". Macchine teatrali fiorentine, Critica d'arte, 6, 1996, pp. 48-9.
[68] F. Baldinucci, Notizie de' professori del disegno da Cimabue in qua, par les soins de F. Ranalli, Florence, 1845-1847, réimpression anastatique par les soins de P. Barocchi, Florence, 1974-1975, VII, 3, pp. 237-39; 7, pp. 42-3; S. Mamone, Paris et Florence (n. 9 supra), pp. 71-80; A. M. Testaverde Matteini, Nuovi documenti sulle scenografie di Ludovico Cigoli per l' "Euridice" di Ottavio Rinuccini, Medioevo e Rinascimento, XVII/n.s. XIV, 2003, pp. 307-21.
[69] L. Cigoli, Trattato pratico di prospettiva di Ludovico Cardi detto il Cigoli: manoscritto MS 2660 A del Gabinetto dei disegni e delle stampe degli Uffizi, Rome, 1992, libro II, II parte c. 61r : "Une fois la scène rallumée et le ciel éclairci, le tout doit se couvrir de blanches nues qui, en s'ouvrant, doivent montrer de manière fabuleuse les Dieux qui, tirés sur des chars variés, glissent dans l'air selon des mouvements divers, à la verticale et en oblique, puis, après plusieurs metamorphoses sous les yeux de ceux qui regardent, disparaissent"; voir aussi C. Molinari, L'attività teatrale di Ludovico Cigoli, La critica d'arte, VIII, 1961, pp. 64-5; G. Gaeta Bertelà - A. M. Petrioli Tofani, Feste e apparati medicei da Cosimo I a Cosimo II. Mostra di disegni e incisioni, Florence, 1969, pp. 67-95. Une étude bien documentée a été dédié au sujets 'nuageux' entre Théâtre et peinture dans, A. Buccheri, L'architettura delle nuvole tra teatro e pittura: Ludovico Cigoli e Giovanni da San Giovanni, Proporzioni, annali della fondazione Roberto Longhi, n.s. IV, 2003, pp. 115-33.







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Dal convegno
Les Images des Dieux/Images
of Gods


Londra, The Warburg Institute,
3-4 dicembre 2004



 
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